Dans la lutte contre le tabagisme, une confusion est très fréquemment faite. Selon certains, la nicotine serait aussi dangereuse pour la santé que les autres substances contenues dans une cigarette. Faux, rétorquent les experts, selon lesquels un distinguo est à opérer entre nicotine et cancer du fumeur.
"Les gens fument pour la nicotine mais meurent à cause du goudron". Cette formule, nous la devons à l'éminent spécialiste de la lutte contre le tabagisme, l'Américain Michael Russel. Partisan avant l'heure d'un monde sans tabac, dès le milieu des années 70, quand cela n'était pas du tout la tendance, il a aussi été l'un des premiers à saisir les enjeux sanitaires de la cigarette. Celui qui a également immédiatement compris que la nicotine en tant que telle ne provoquait pas de maladies respiratoires graves ou pire, le cancer du fumeur (poumons, gorge, bouche, lèvres, etc.)
Cette position a depuis été reprise par de nombreux experts de la lutte contre le tabagisme, médecins et chercheurs en tête. C'est le cas notamment du professeur américain Derek Yach. Ce spécialiste reconnu de la lutte contre le tabac a enseigné la santé publique à l'Université de Yale, avant de participer activement à la lutte mondiale contre le tabagisme au sein de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Pour lui, l'absence de corrélation entre nicotine et maladies causées par la cigarette est des plus nettes : c'est le goudron qui est responsable des maladies pulmonaires, pas la nicotine.
Lors d'un forum organisé l'année dernière à Varsovie, le Global Nicotine Forum, sa position a été partagée par un autre professionnel de la lutte contre le tabagisme : le Pr sud-africain Yussuf Saloojee. Prenant activement part dans la lutte mondiale contre le tabac, notamment au sein de l'OMS, il a déclaré lors du forum: "Il y aura un milliard de décès liés au tabac avant la fin de ce siècle. Nous devons le garder à l'esprit alors que nous redoublons d'efforts pour rattraper les 50 années pendant lesquelles nous avons ignoré la simple réalité : le tabagisme tue, pas la nicotine".
Une conclusion également partagée par Gérard Dubois, président de la Commission Addictions de l'Académie nationale de médecine : « La nicotine est un produit addictif qui est relativement sûr d'utilisation qui est par exemple utilisé dans des traitements depuis de nombreuses années (…) Il est indiqué dans beaucoup de traitements médicaux par exemple. » Gérard Dubois ajoute que "le goudron cause les cancers, le gaz carbonique l'infarctus, la nicotine la dépendance." Pour Nicolas Bonnet, pharmacien spécialiste en santé publique et directeur du RESPADD (Réseau de Prévention des Addictions) il y a une "confusion entretenue par les pouvoirs publics entre cigarette, nicotine, mortalité, cancer et dépendance".
Par ailleurs, notons que selon une enquête publiée dans la revue scientifique de référence Behavioural Brain Research, la nicotine est même prescrite dans le traitement de certains troubles de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson. Elle en calmerait les symptômes. La nicotine n'est donc pas une substance anodine, notamment en raison de la forte dépendance qu'elle peut créer, mais il apparaît important de préciser qu'elle n'est pas à l'origine des maladies qui affectent les fumeurs.
Sans combustion, pas de complications ?
La nicotine peut toutefois s'avérer dangereuse à très haute dose. Elle stimule l'activité cérébrale, envoie un "shoot" de plaisir au cerveau en libérant de la dopamine, accélère le rythme des battements du cœur, augmente la tension artérielle. De trop fortes doses peuvent ainsi entrainer des complications cardiaques éventuelles. Peu de craintes à avoir, ceci dit, de tels niveaux ne pouvant être atteints par un fumeur dans des conditions normales, selon l'OFTA (Office Français de prévention du tabagisme).
Cette association, ayant une mission d'intérêt public de lutte contre le tabac, a en effet mis en avant dans une enquête que les doses de nicotine classiquement inhalées par un vapoteur, par exemple, n'étaient pas suffisantes pour provoquer de tels risques sur la santé. Son absorption dans les substituts nicotiniques tels que gommes à mâcher, e-cigarette ou autres n'engendre pas de maladies respiratoires graves, ni de cancer de la gorge ou de cancer du poumon.
Autre solution alternative dont on commence à parler, les vaporisateurs de tabac, ou cigarettes chauffantes, procédé grâce auquel le tabac est chauffé et non brûlé. Une méthode évitant la combustion, responsable de la fumée contenant l'essentiel des substances nocives : monoxyde de carbone, goudrons, hydrocarbures polycycliques, nitrosamines, cadmium, mercure, etc. Cette solution pourrait bien s'avérer particulièrement efficace en termes de santé publique, puisqu'en proposant un produit similaire à la cigarette du point de vue de l'expérience vécue (mêmes niveaux de nicotine, même sensation de « throat hit », même présentation et prise en main ou presque), elle semble pouvoir convenir aux fumeurs ne souhaitant pas faire l'impasse sur ce plaisir, ou ne parvenant pas à faire une croix sur cette dépendance.
Le but est de leur épargner tous les désagréments périphériques d’une cigarette classique, autrement dit, toutes les substances produites par la combustion de celle-ci. Pourquoi est-ce important ? Parce qu'on ne combat efficacement que les maux dont on a identifié les causes avec précision.
Effectivement, les cancers sont causés par les goudrons et par les 70 substances cancérigènes parmi les 7000 additifs dangereux de la cigarette
Beaucoup d”imprécisions dans cet article. Michael Russell était anglais, pas américain. Ce n”est pas Yussuf Saloojee qui a participé au GFN à Varsovie, mais Delon Human.