Au moment où une salle de consommation à moindre risque va s’expérimenter pour la première fois en France, il n’est pas inutile de rappeler leur origine et leurs objectifs. Ces salles sont apparues pour répondre à un problème d’usage dans l’espace public. D’abord en Suisse, puis en Allemagne, Espagne, Hollande, des soignants, des responsables politiques, policiers, mais surtout des usagers, des commerçants, des riverains, ont peu à peu expérimenté cette solution.
Prenant acte que certains usagers ne peuvent ni ne souhaitent arrêter leur consommation dans l’instant, notamment parce qu’ils sont enfermés dans une double contrainte, celle de la dépendance et du craving et celle de l’appartenance à un mode de vie précaire, elles proposent un premier pas en avant. Une salle de consommation se compose d’espaces différents : la salle où se fait l’usage, avec toutes les actions de réduction des risques qui l’accompagnent, un lieu d’accueil qui permet de gérer les passages, un point de contact avec des travailleurs sociaux, un bureau de consultation médicale par exemple.
Continuer à « faire usage », mais dans un espace accompagné, va amorcer des évolutions. En France la « lutte contre la drogue » repose sur une conception qui veut que rien ne doit faciliter la vie de l’usager : plus il sera en difficulté, plus vite il demanderait de l’aide. Or c’est l’inverse qui se passe, plus un individu est enfermé sur la double contrainte d’un mode de vie précaire et stigmatisant et des souffrances du manque, plus il accentuera l’usage pour en atténuer l’impact.
Parmi les reproches qu’elle suscite, celui d’être une incitation à l’usage qui mettrait en danger la jeunesse est un des plus répétés. En France, ce reproche a été fait à chaque nouvelle mesure de Réduction des risques : la libéralisation de l’usage de seringues devait banaliser l’usage, cela n’a pas été le cas ; les Traitements de substitution affaibliraient les messages sur la dangerosité des substances, ils ont fait baisser les problèmes de santé des usagers. Le reproche ressort pour les salles, mêmes si les études scientifiques ont montré qu’elles n’avaient aucun effet incitatif et qu’elles contribuaient à augmenter de la demande de soin. Comme à chaque fois, il sera démentis par les faits.
Une autre crainte concerne le trouble à l’ordre public. Cette dimension de la sécurité et de la prise en compte des riverains est un de leurs objectifs. Elles fonctionnent grâce à une coopération avec la police sur des objectifs communs : ne pas laisser le trafic s’installer, gérer l’espace public. La dernière expérience d’ouverture d’une salle, au Danemark, vient d’être évaluée : comme les autres, elle a permis de diminuer de façon nette les actes de délinquance dans le quartier où elle s’est ouverte.
Enfin, les études sur coût/efficacité des salles ont pu montrer qu’elles représentaient pour la collectivité une véritable économie, propsant une réponse plus adapée au public qu’elles rencontrent que les passages répétés dans les services d’urgences et évitant des contaminations ensuite couteuses en soins.
Le défi lancé en France par l’ouverture d’une salle de consommations sera donc bien de dépasser nos ignorances et nos peurs, pour faire converger ces pratiques policières, sanitaires et éducatives qui trop souvent divergent. Rien que pour cela, c’est une belle opportunité d’avancer.