En septembre dernier, le gouvernement a lancé le Programme national de réduction du tabagisme (PNRT). L’objectif ? Une baisse de 10 % du nombre des fumeurs d’ici à 5 ans, 20 % d’ici à 10 ans. Si les ambitions sont élevées, les mesures pour parvenir à ces résultats interrogent quant à leur efficacité. Interdictions à tout-va, instauration du paquet neutre, le gouvernement semble préférer la punition à la prévention, une démarche jusqu’ici sans succès.
La stratégie de l’interdit
Il semblerait que pour lutter contre le tabagisme, le gouvernement a choisi de faire de l’interdiction son cheval de bataille, se trompant peut-être alors de monture. Il sera en effet bientôt interdit de fumer dans les aires de jeux, mais aussi dans les voitures en présence d’un enfant de moins de 12 ans. Dans quelques mois, vapoter au bureau ne sera également plus possible, la ministre souhaitant mettre un terme à toute habitude liée à la cigarette. « La priorité pour moi c'est vraiment le tabac. C'est d'éviter que le geste de fumer soit un geste qui soit banalisé, soit repris et considéré comme un geste de séduction, un geste d'appartenance à un groupe.», déclare-t-elle.
La cigarette comme objet prohibé passe donc pour être l’argument fort qui fera fonctionner le plan anti-tabac. Malheureusement, ces mesures censées décourager les fumeurs ont montré par le passé leur inefficacité.
Interdire de fumer ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2007, il est déjà impossible d’allumer une cigarette dans un lieu public. Si cette initiative a des répercussions positives en matière de lutte contre le tabagisme passif, elle n’a en rien fait baisser la consommation de tabac. La Baromètre Santé 2010 faisait état d’une hausse des ventes entre 2008 et 2009 qui a clairement fait mentir les prévisions du gouvernement quant à l’efficacité de ces mesures d’interdiction.
Là où il serait plus sensé de prendre le problème à la racine et de développer des véritables campagnes de prévention pour éviter que des jeunes deviennent fumeurs, les actions mises en place visent davantage à sanctionner les fumeurs existants. Et même lorsque le gouvernement décide d’agir pour endiguer l’apparition de nouveaux consommateurs en instaurant le paquet neutre, cette dernière mesure n’a pour seul effet que de favoriser la prolifération de la contrebande.
Le paquet neutre profite aux contrefacteurs
La ministre de la Santé, Marisol Touraine souhaite en effet faire avancer encore un peu plus la politique répressive concernant le tabac et imposer le paquet de cigarettes neutres. Sans logo, avec juste la marque inscrite en petits caractères, chaque paquet aura la même taille et même forme que son voisin. Une mesure radicale qui va bien plus loin que ce qui est désormais demandé par l’Union européenne.
L’objectif de cette initiative est de rendre le paquet moins attractif, notamment auprès des jeunes. En sacrifiant le marketing des producteurs de tabac sur l’autel de la santé, le gouvernement espère encore atteindre ses objectifs en matière de réduction du tabagisme. Il pourrait, au contraire, encourager la contrebande, comme c’est le cas dans les pays où le paquet neutre est appliqué.
Ce dernier n’a été implémenté qu’en Australie le 1er décembre 2012. Et si sa mise en circulation n’a pas eu d’effet significatif sur les ventes légales de tabac, on a cependant pu constater une hausse importante du trafic illicite. Ce marché parallèle occupait 11,8 % de la consommation totale en 2012 pour pointer à 14,7 % en 2014, avec une perte de revenus pour l’État australien chiffrée à quelques 700 millions d’euros.
Autre signe qui confirme l’inefficacité du paquet neutre, la consommation de tabac chez les jeunes. Le nombre de fumeurs âgés de 12 à 17 ans est passé de 3,8 % à 5 % entre 2010 et 2013. De plus, la simplicité du paquet neutre en fait un produit facilement imitable. Les contrefacteurs ont ainsi vu leur activité bondir en Australie depuis sa mise en place. Le commerce illicite a augmenté de 25 % en quelques mois. Le volume des produits contrefaits s’est envolé avec une hausse de 73 % quand la contrebande, elle, touche des sommets de croissance en affichant + 172 % au compteur.
La contrebande de cigarettes n’épargne pas non plus la France où elle explose actuellement et il y a fort à craindre que la mise en place du fameux paquet neutre ait les mêmes conséquences que celles perçues sur le marché australien. En plus de favoriser une véritable économie sous-terraine, le paquet neutre ne remplit en rien sa mission dissuasive. Selon un sondage, 89 % des fumeurs australiens se déclarent insensibles à cette mesure. Un pourcentage qui n’a pas l’air de dissuader le gouvernement français de son inefficacité.
Il reste alors la variable prix, qui, selon l’ancienne ministre Michèle Delaunay, serait la seule mesure qui pourrait avoir un impact positif sur la réduction du tabagisme. S’exprimant au sujet du projet de loi santé, la députée déclare : « C'est une marche en avant qu'il va falloir compléter par la seule mesure vraiment efficace, l'augmentation du prix du tabac. Il faut que cette hausse se fasse en une seule fois et qu'elle soit significative. C'est la seule manière pour dépasser un seuil psychologique. Il faut absolument dépasser la barre symbolique des 10 euros. On le sait, les petites hausses successives ne servent à rien. »
Encore une fois, on ne parle pas ici de prévention mais de mesures punitives à l’encontre des fumeurs existants qui favoriseront d’autant plus le développement de la contrebande et ne règleront pas le problème du tabagisme en France. Pour arriver à ses fins, le gouvernement devra indubitablement revoir sa réflexion quant à la façon de mener son combat contre ce qui tue encore 78 000 personnes par an dans notre pays.