Depuis plusieurs mois, les restrictions liées à l’usage des cigarettes électroniques ou du tabac chauffé (IQOS notamment) se multiplient. Dernier pays en date, la Nouvelle-Zélande vient d’annoncer l’interdiction totale de la puff, cigarette électronique à usage unique destinée pour l’essentiel aux enfants et adolescents. L’enjeu sensible des « nouveaux produits du tabac » devrait être abordé lors d’une table ronde organisée mercredi 14 juin 2023 au Parlement européen.
Taiwan, Hong Kong, le Cambodge, le Brésil, le Vietnam, l’Australie interdisent ou limitent la vente des cigarettes électroniques. Les États-Unis et les Pays-Bas interdisent ou limitent les arômes, jugés trop attractifs pour les adolescents, tout comme le Canada, qui envisage de le faire également. L’Allemagne et l’Irlande demandent l’interdiction des cigarettes électroniques jetables, une mesure déjà adoptée par les États-Unis. L’Italie interdit leur usage dans les lieux accueillant du public. La Belgique envisage l’interdiction de la puff pour des raisons environnementales. Une vision partagée par la France, qui souhaite en prohiber la vente à partir du 1er janvier 2024.
Le flou juridique actuel profite à l’industrie du tabac
Si la tendance internationale est à la restriction autour des usages des « nouveaux produits du tabac » (cigarettes électroniques, tabac chauffé, tabac à sucer…), un flou persiste au niveau mondial. Une zone grise juridique qui permet à l’industrie du tabac de mettre régulièrement sur le marché de nouvelles variantes de ces produits, au marketing attractif pour les mineurs et parfois plus chargés en nicotine que les cigarettes manufacturées.
Très stratégiques pour les fabricants de tabac qui, au niveau international, subissent une forte baisse des ventes de cigarettes, les « nouveaux produits du tabac » font l’objet de méthodes éprouvées de longue date par les industriels : études financées par le lobby du tabac visant à démontrer un risque réduit ; publicité, notamment sur les réseaux sociaux via des influenceurs rétribués ; utilisation d’arômes (fruités, sucrés ou exotiques) destinés à un public jeune… Un repositionnement vers « les produits à risque réduit » aujourd’hui pleinement assumé par les industriels et qui, sur certains marchés, connaît un succès certain. Philip Morris International (PMI) affirme ainsi qu’un tiers de ses revenus viennent aujourd’hui des cigarettes électroniques et du tabac à chauffer, cette part devant atteindre 50 % d’ici 2025.
La nocivité des nouveaux produits du tabac clairement établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
La dangerosité des « nouveaux produits du tabac » fait aujourd’hui globalement consensus. Les associations de santé publique considèrent même que certains d’entre eux peuvent, dans une certaine mesure, constituer une « porte d’entrée dans le tabagisme ». « Publiée en septembre 2022, une étude de l’ACT indiquait que 28 % des 13-16 ans interrogés s’étaient initiés à la nicotine en utilisant une puff », affirme ainsi le collectif Génération Sans Tabac sur son site officiel, qui en déplore aussi le coût écologique : « Les déchets occasionnés par les puffs sont l’autre motivation pour les interdire. Chaque puff est dotée d’une batterie qui contient en moyenne 0,15 g de lithium, mais aussi des substances chimiques (sels de nicotine, traces de métaux lourds), du plastique et des composants électroniques qui en font des déchets complexes et non recyclés », souligne le collectif.
Dès juillet 2019, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a établi, dans son rapport annuel sur l’épidémie de tabac, que les cigarettes électroniques sont « sans aucun doute dangereuses ». Pour les produits du tabac chauffé, comme l’IQOS, l’alerte de l’OMS est encore plus explicite, car elle les considère clairement comme des produits du tabac et qu’ils doivent, à ce titre, subir une réglementation similaire, notamment sur la commercialisation en paquet neutre, et une fiscalité identique aux cigarettes.
Débat organisé au Parlement européen
Au niveau européen, la perspective d’une réglementation unifiée, surtout fiscale, se dessine autour de plusieurs enjeux majeurs, notamment la protection des mineurs. Une autre question se pose : comment adapter la réglementation à un marché, où apparaissent régulièrement de nouveaux produits, qui s’ajoutent à l’arsenal existant : cigarettes électroniques, tabac chauffé, tabac à sucer — ou snus —, chicha… ?
L’une des approches plébiscitées est fondée sur deux réalités : la présence — ou non — de tabac et de nicotine. Tous les produits contenant du tabac (tabac chauffé, chicha, snus) pourraient être assimilés à la cigarette ; tous les produits contenant uniquement de la nicotine (cigarette électronique, puff…) pourraient relever d’une réglementation inspirée de celle de la cigarette et de classes fiscales spécifiques, en fonction du taux de nicotine.
Inquiétudes chez les acteurs de la vape
Ce risque réglementaire et fiscal inquiète évidemment les acteurs de la vape, dont certains sont proches des industriels. En France, des associations comme le CACE (Collectif des Acteurs de la Cigarette électronique), l’AIDUCE (Association Indépendante des Utilisateurs de Cigarette Électronique), la SOVAPE ou Vaping Post sont ainsi particulièrement mobilisées. La Confédération des Buralistes, dont certains imaginent qu’elle pourrait obtenir le monopole de vente des « nouveaux produits du tabac », est également active.
Les parlementaires commencent également à se mobiliser. En France, la députée Francesca Pasquini a déposé une proposition de loi « visant interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique », qui ne traite cependant qu’un aspect du sujet. À Bruxelles, le sujet devrait être évoqué au Parlement européen, mercredi 14 juin 2023, dans le cadre d’une table ronde organisée par les députés européens Michèle Rivasi et Anne-Sophie Pelletier, dans la perspective de la révision de la directive 2011/64/UE sur la taxation des produits d’accises, dont le tabac. Elle comprendra notamment Alliance Contre le Tabac (ACT), qui fédère toutes les ONGs de lutte contre le tabagisme en France, et le cardiologue Olivier Milleron.