L’histoire d’une petite fille de 11 ans, morte en mars 2022 d’une leucémie, replace dans le débat l’usage des pesticides dans le milieu de l’horticulture. Son décès est lié au métier de sa mère, une fleuriste exposée à ces substances lors de sa grossesse. Des voix s’élèvent pour déplorer l’absence de réglementation.
Il y a quelques jours, Radio France et Le Monde ont recueilli le témoignage des parents d’une fillette décédée d’une leucémie en mars 2022. La mère, une fleuriste, a pu établir un lien entre ce drame et son métier. En effet, Laure Marivain, maman de la défunte enfant, a été exposée aux pesticides lors de sa grossesse en 2009. A l’époque, elle réceptionnait les chariots de fleurs et de feuillages pour les livrer aux détaillants.
La maman fleuriste placée en arrêt maladie pendant la grossesse
Au cours de sa grossesse, Mme Marivain a été placée en arrêt maladie et son accouchement fut difficile. A la naissance de sa fille Emmy, les médecins lui ont confié qu’il y avait un problème avec le placenta, devenu tout noir. Ils l’ont soupçonnée d’avoir pris de la drogue pendant sa grossesse. Tous les bilans de santé effectués sur la fillette ne donnaient rien de bon. À trois ans, Emmy a été scolarisée. Mais en classe, elle se plaignait tout le temps de douleurs, au niveau du coccyx et des genoux. Elle s’endormait aussi à cause de la fatigue.
Sa fille Emmy est morte le 12 mars 2022
En janvier 2015, Emmy subit des examens au CHU de Nantes. Là, un oncologue lui diagnostique un cancer sans identifier clairement les causes. Quelques jours plus tard, le diagnostic se confirme : c’est bien une leucémie aiguë lymphoblastique B. Dès cet instant, la petite fille est régulièrement hospitalisée. Elle subit des chimiothérapies, des opérations et des greffes. Emmy perd progressivement ses cheveux. Pendant sept ans, elle va lutter contre la maladie et contre les douleurs pour finalement rendre l’âme le 12 mars 2022, à l’âge de onze ans.
Laure Marivain mène ses propres recherches
Avant le drame, sa mère avait commencé à se renseigner pour découvrir de quoi souffrait vraiment sa fille. Elle s’est rendu compte du lien avec son métier de fleuriste, qui l’exposait à 43 pesticides différents. « J’ai compris que les fleurs étaient des tueuses invisibles », a déclaré Laure Marivain. Rouge de colère, la mère mène des recherches sur Internet et tombe sur l’association Phytovictimes. Avec l’aide de cette organisation, elle saisait le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), créé en 2020 par la loi de financement de la sécurité sociale.
Elle découvre un lien avec son exposition aux pesticides
Laure a déposé un dossier auprès du Fonds, qui a établi un lien de causalité entre la pathologie d’Emmy et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale. Mais, en indemnisant ses parents, le FIVP n’a pas pris en compte le préjudice subi par la fillette, déplore l’avocat des parents, Me François Lafforgue. Ce dernier dénonce aussi le fait que les médecins et les familles ne soient pas aujourd’hui informés sur la présence d’herbicides dans les fleurs.
Les fleuristes exposés aux pesticides que les agriculteurs
Les parents d’Emmy s’offusquent de la passivité des autorités d’autant que le problème des résidus de pesticides sur les fleurs est déjà bien documenté, notamment par des études belges. Selon ces travaux, les fleuristes se retrouvent exposés à des niveaux bien supérieurs aux niveaux considérés comme sûrs pour les agriculteurs. Ils sont au contact de ces substances six jours sur sept, toute la journée, toute l’année. Par ailleurs, ils manipulent des fleurs venus pour 85% d’Amérique latine et d’Afrique, où la réglementation n’est pas forcément stricte.