Aux Etats-Unis, la Chambre de commerce et plusieurs procureurs généraux ont apporté leur soutien à une action en justice intentée par d’importants groupes agricoles et Monsanto, pour faire annuler la mention dans la “Proposition 65” du glyphosate. Leur argument ? Seul le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a déclaré la substance “cancérogène probable”.
Du point de vue des travailleurs et agriculteurs, « les exigences de la proposition 65 californienne causeront un préjudice irréparable à l’économie agricole, ce qui aura un impact sur les agriculteurs américains et les consommateurs du monde entier », a estimé Gordon Stoner, président de la National Association of Wheat Growers (Association nationale des cultivateurs de blé, NAWG). Cette filière étant déjà soumise à de nombreux aléas, l’interdiction de ce produit, très utile pour le labour des champs, entraînerait d’importantes pertes. Le glyphosate est en effet contenu dans des herbicides bon marché, son interdiction ou limitation aura donc nécessairement des conséquences sur le rendement agricole.
C’est pourquoi, Gordon Stoner affirme être “heureux” que « les procureurs généraux de tout le pays défendent l’agriculture et les consommateurs en s’opposant à cette action anticonstitutionnelle de la Californie ».
La « Prop 65 » liste plus de 800 substances chimiques « dont les effets cancérigènes ou la toxicité pour la reproduction sont reconnus par l’Etat de Californie ». Dès lors qu’une substance figure sur cette liste, elle doit être clairement identifiable. Les sociétés sont alors tenues de fournir « un avertissement clair et raisonnable », c’est-à-dire, concrètement, recourir à une étiquette d’avertissement, indiquant la présence de cette substances.
Le 27 décembre, une injonction temporaire a été demandée par la société Monsanto et une quinzaine d’associations agricoles, dont la NAWG, l’Agribusiness Association of Iowa, the Agricultural Retailers Association, la Missouri Chamber of Commerce and Industry ou encore la South Dakota Agribusiness Association.
Polémique scientifique mondiale
Parmi leurs arguments, les associations rappellent que la cancérogénicité de l’herbicide n’est pas avérée. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est la seule agence internationale à classer la substance comme « cancérogène probable » pour l’homme. En comparaison, la publication en novembre d’une étude prospective (le plus haut degré de confirmation) publique et indépendante ayant confirmé l’absence définitive de causalité entre glyphosate et cancer a apporté un soutien scientifique de poids aux défenseurs de la molécule.
Or, les recherches menées par le CIRC ont été considérées comme « spécieuses » par certains experts et le Congrès américain. Les associations ajoutent que les organismes californiens utiliseraient les conclusions du CIRC pour exiger que l’herbicide entre dans la liste de la proposition 62 « violent les libertés » protégées par le Premier amendement qui garantit les individus et sociétés contre les “faux discours”.
Le 2 janvier, les procureurs généraux de l’Idaho, l’Indiana, l’Iowa, du Kansas, de la Louisiane, du Michigan, du Missouri, du Dakota du Nord, de l’Oklahoma, du Dakota du Sud et du Wisconsin ont déposé un « amicus brief » en soutien de l’injonction devant le tribunal du district de l’Est californien. Les chambres de commerce de la Californie et des Etats-Unis se sont également rangées du côté de Monsanto et des agriculteurs en déposant également des amicus briefs.
Les agriculteurs français inquiets
La question de la toxicité du glyphosate a suscité un vaste débat scientifique à l’échelle mondiale. Envers et contre l’avis du CIRC, les principales agences internationales ont conclu que l’herbicide n’était pas susceptible d’être cancérogène. Parmi elles, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA), l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ou encore l’Institut fédéral d’évaluation des risques (BfR) en Allemagne.
L’action judiciaire intentée contre la Proposition 65 en Californie et ses rebondissements risquent d’avoir un écho particulier en France, où les agriculteurs ont manifesté leur inquiétude face à une possible interdiction du célèbre l’herbicide.
En novembre, les Etats membres de l’UE ont renouvelé l’autorisation du glyphosate pour cinq ans du glyphosate. Mais Emmanuel Macron a aussitôt annoncé que la France pourrait interdire unilatéralement la molécule « au plus tard » dans trois ans.
De quoi susciter l’incompréhension, voire la colère des paysans. D’après un sondage Ipsos, 81 % des agriculteurs français considèrent le glyphosate comme « indispensable » aux techniques de conservation des sols dans leur exploitation. Des agriculteurs qui « n’approuvent pas du tout » le retrait de l’herbicide.