Depuis le début de l’épidémie de COVID-19 et sa diffusion incontrôlée en France, les fausses informations se répandent sur les réseaux sociaux. Si les traitements miracles ou les conseils sanitaires reflètent des inquiétudes légitimes, certains discours témoignent d’une adhésion croissante des Français aux thèses conspirationnistes. Des faux coupables, comme le pain, les emballages alimentaires ou encore la 5G sont aussi apparus, sans argument scientifique viable. Une inquiétude supplémentaire pour les autorités qui craignent que la parole scientifique s’efface derrière le flot ininterrompu d’informations souvent erronées.
L’absence de traitement à l’efficacité éprouvée est un facteur de panique
« J’ai entendu dire que le désinfectant éliminerait le virus en une minute. Une minute. Est-ce qu’il y a moyen qu’on puisse faire quelque chose en ce sens, comme une injection ou presque un lavement ? » Ces paroles n’ont pas été prononcées par un anonyme sur les réseaux sociaux. Elles viennent directement du Président des États-Unis, Donald Trump, dans sa traditionnelle réunion d’information à la Maison-Blanche, le 24 avril dernier. Si cette déclaration a logiquement déclenché un tollé, alliant mépris et moqueries, elle n’a pas empêché certains Américains d’essayer cette méthode peu orthodoxe. Les autorités de santé ont été dans l’obligation de démentir publiquement ces annonces, après avoir reçu des dizaines de coups de téléphone demandant des conseils après l’allocution du Président des États-Unis.
Une méthode qui n’est pas sans rappeler le décès tragique de plus de 300 Iraniens en mars dernier. La cause ? Une ingestion de méthanol — à savoir de l’alcool — à très forte dose, pouvant provoquer notamment la cécité ou, dans le pire des cas, le décès de la personne. Jair Bolsonaro, le très controversé Président d’extrême-droite du Brésil, propose une voie spirituelle. Alors qu’il ne cesse de minimiser les impacts déjà désastreux de l’épidémie, Jair Bolsonaro a évoqué, au début du mois d’avril, le recours au « jeûne religieux » pour libérer le pays du Covid-19.
En cette période troublée, les fausses informations trouvent parmi les populations paniquées un public docile. C’est ainsi qu’en France, des dizaines de pharmacies ont été dans l’obligation de délivrer de la chloroquine à des patients après des ordonnances de complaisance, alors même que ce traitement ne correspond pas aux critères de mises sur le marché pour le COVID-19 et que l’efficacité de la chloroquine sur le CODID-19 n’est pas prouvée par la littérature scientifique. Plusieurs cas de troubles cardiaques et même quelques décès ont ainsi été comptabilisés dans le cadre de la prise de ce médicament en automédication.
Les thèses conspirationnistes se multiplient
Les thèses complotistes, habituellement très en vogue sur internet, connaissent aussi un regain de popularité. Les thématiques classiques sont adaptées à la situation actuelle. Une thèse très curieuse évoque ainsi une prétendue responsabilité de la 5G dans la diffusion du coronavirus. La preuve invoquée par le mystérieux auteur de cette théorie est la prétendue plus forte prévalence du coronavirus dans les pays où les réseaux 5G seraient fortement implantés, à savoir en Asie et en Occident. L’Afrique, encore faiblement dotée par les réseaux de nouvelle génération, serait ainsi épargnée. Un contenu à la tonalité absurde, mais loin d’être anodin, car visionné, comme le rappelle France Info, plus de 400 000 fois en ligne.
L’homme d’affaires Bill Gates, deuxième fortune du monde, est aussi la cible des attaques conspirationnistes. Pour une conférence datée de… 2015 et rapidement repêchée par les internautes. Dans cette vidéo, Bill Gates évoque la haute probabilité d’une épidémie mondiale dans les années à venir. Un vaccin lié au coronavirus a aussi été déposé par un laboratoire anglais, en partie financé par Bill Gates, comme le révèle Slate. En revanche, ce vaccin est attitré à une forme ancienne du coronavirus, bien loin de l’actuel Covid-19 qui sévit actuellement. La CIA, dans son Global Trends Main Report, est aussi la cible des conspirationnistes. En effet, parmi les risques pour le futur, l’agence du renseignement évoquait la possibilité d’une pandémie mondiale d’ici 2025.
Au niveau local, inquiétudes infondées liées à la présence d’usines
La plupart des argumentaires conspirationnistes reposent sur une réalité commune et transversale : l’absence de sources scientifiques permettant d’appuyer les argumentaires avancés. C’est ainsi le cas d’un collectif de défense de l’environnement narbonnais, qui s’inquiète des potentielles implications de la présence d’une usine de traitement chimico-nucléaire d’Orano-Malvési. « Les émissions atmosphériques massives, depuis soixante ans, d’oxydes d’azote, de solvants, d’uranium et de radioéléments issus de la purification d’uranium par le site chimico-nucléaire d’Orano-Malvési » explique l’un des représentants du collectif. À ce titre, le territoire « est confronté à des contextes environnementaux susceptibles d’impacter sa santé » poursuit-il. En bref, la présence d’une usine à proximité serait un facteur supplémentaire de comorbidité pour les populations locales du fait d’une pollution de l’air accrue. Alors oui, la pollution de l’air, via les particules fines, suscite des inquiétudes sérieuses de la communauté scientifique quant à son rôle de propagation du Covid-19. Mais, aucune étude n’indique que la qualité de l’air serait moindre dans le Narbonnais. De plus, avec moins de 370 morts à l’échelle régionale, l’Occitanie demeure particulièrement épargnée par la pandémie du Covid-19.
En revanche, dans certaines régions très polluées, la propagation du coronavirus semble avoir été plus rapide que dans d’autres. En Italie par exemple, les particules fines auraient joué un rôle de « transporteur » du Covid-19, tout en augmentant en effet les risques liés aux comorbidités. C’est en tout cas les conclusions d’une étude apportée par la Société italienne de médecine environnementale, menée en parallèle avec les universités de Bari et de Bologne. Des conclusions similaires avaient d’ailleurs été avancées dans le cadre de l’épidémie de SRAS en Chine.
Emballages, pain, journaux : les faux coupables du Covid-19
La panique généralisée qui s’est installée au sein des populations a logiquement entraîné une défiance pour tout ce qui, de près ou de loin, pourrait apparaître comme un vecteur de diffusion du Covid-19. Et les emballages alimentaires en ont fait les frais. En effet, dans le tourbillon des études scientifiques qui se multiplient depuis le début de l’épidémie, certaines ont pointé du doigt le risque de contamination par les objets. Le virus pourrait en effet survivre plusieurs heures sur certaines surfaces, comme le plastique ou l’acier. De quoi alimenter des recommandations absurdes sur les réseaux sociaux et via les applications de messageries privées : nettoyer ses emballages, éviter les produits empaquetés… Pourtant, l’OMS rappelle que ces mesures sont disproportionnées et que les emballages alimentaires ne représentent aucune menace particulière en terme de contamination. Il suffit, comme d’habitude, de respecter les gestes barrières, les seuls à même de freiner la propagation du coronavirus.
Toujours au niveau alimentaire, le pain a fait figure de coupable idéal, de nombreux français craignant que le pain soit contaminé… par leur boulanger. Ce qui explique, en partie, la ruée vers les farines pour fabriquer du « pain maison ». L’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a même été obligée de rectifier les rumeurs en précisant que le pain étant cuit à haute température, toute trace du virus disparaissait à la préparation. Aucun risque donc, si les gestes barrières sont appliqués scrupuleusement par le boulanger et les clients. Les pièces de monnaie et les billets, comme les journaux papier, ont aussi été des vecteurs d’inquiétudes, là encore infondées.