Selon une ancienne employée de Meta, qui vient de publier un livre, le groupe de Menlo Park exploite la vulnérabilité des adolescentes pour la diffusion de publicités ciblées. Par exemple lorsqu’une jeune fille supprime un selfie sur Instagram ou Facebook, signe probable qu’elle n’apprécie pas son apparence, l’entreprise alerte immédiatement les annonceurs pour la bombarder de publicités sur des produits de beauté.
Sarah Wynn-Williams, une ancienne directrice de la politique publique mondiale de Facebook (Meta aujourd’hui), accuse le géant du numérique de porter atteinte à l’intégrité physique et morale des jeunes utilisateurs dans son livre « Careless People », publié aux États-Unis le 11 mars 2025. Dans cet ouvrage, elle dépeint une entreprise cynique qui ne recule devant rien dès lors qu’il s’agit d’argent.
Le Sénat s’intéresse aux accusations de Wynn-Williams
Sarah Wynn-Williams, qui parle aussi d’une collaboration avec la Chine sur l’IA, évoque dans ce livre des pratiques marketing prédatrices. Le groupe de Mark Zuckerberg exploiterait la vulnérabilité des adolescentes pour la diffusion de publicités ciblées. Lors d’une récente audition au Sénat, l’ex salariée a persisté sur ses accusations. Elle a déclaré que Meta ciblait spécifiquement les filles de 13 à 17 ans quand celles-ci se sentaient faibles ou déprimées. Par exemple lorsqu’une adolescente supprimait un selfie ou retouchait une photo, l’algorithme de Meta savait automatiquement qu’elle n’appréciait pas son apparence physique.
Meta traque aussi les mots utilisés par les adolescents pour connaître leur état d’esprit
L’entreprise partageait alors cette information aux annonceurs pour que ceux-ci la bombardent de publicités sur leurs produits de beauté. Dans cette même veine, les publicités pour des produits amaigrissants sont également envoyées aux adolescents qui déclarent que leur corps ne leur plaît pas. Meta peut connaître la piètre opinion qu’ont les adolescents d’eux mêmes via les mots qu’ils écrivent. Comme « moche », « raté », « sans valeur », « stressé », « anxieux », « stupide » et « inutile ».
« C’est le métier qui le veut, Sarah »
Sarah Wynn-Wiliams assure que Meta a reconnu que les jeunes de 13 à 17 ans constituaient un public cible vulnérable mais « très précieux » pour les annonceurs. Un cadre du groupe lui aurait confié que « c’est le métier » qui le veut, que c’est « ce qui [leur] permet de gagner de l’argent » et qu’il n’y a rien d’infâmant dans tout ceci. Mais le géant du numérique a nié toutes ces allégations. Il a qualifié Careless People de « livre faux et diffamatoire ». Le groupe a tout fait pour obtenir l’arrêt de la promotion de l’ouvrage, ainsi que l’interruption de sa publication. Malheureusement pour lui, des exemplaires étaient déjà en circulation.
Meta se défend sans convaincre
Joint pour avoir des explications, Meta n’a fait que renvoyer la presse à un vieil article de blog posté en 2017, année des premières accusations de Sarah Wynn-Williams. La société y niait tout en bloc : « Facebook n’offre pas d’outils permettant de cibler les personnes en fonction de leur état émotionnel », a-t-elle écrit d’emblée. Puis de prétendre que sa démarche avait pour but « d’aider les spécialistes du marketing à comprendre comment les gens s’expriment sur Facebook », et non pour des publicités ciblées.
Une autre ex employée de Meta a porté des accusations similaires
En 2017, le quotidien The Australian, qui avait relayé les accusations de Sarah Wynn-Williams, s’était pourtant procuré un document problématique. Dans celui-ci, Facebook expliquait aux annonceurs être en mesure d’exploiter des « moments de vulnérabilité psychologique » des jeunes utilisateurs. D’ailleurs, Sarah Wynn-Williams n’est pas la seule accusatrice. En 2021, Frances Haugen, une autre ancienne employée de l’entreprise devenue lanceuse d’alerte, a affirmé que sa direction avait totalement conscience des méfaits d’Instagram sur les adolescentes, mais avait décidé de ne pas en parler.