Perte de compétitivité, délocalisation des recherches, lourdeurs administratives, le bilan de la France est contrasté. 7 mesures simples, rapides et chiffrées sont possibles et peuvent être mises en œuvre pour relancer la recherche clinique en France.
La recherche clinique représente, au niveau mondial, environ 23 Milliards d'Euros, dont plus de 60% sont actuellement confiés aux entreprises de la recherche clinique soit environ 900 entreprises dans le monde.
La place de la France en Recherche Clinique a reculé durant la dernière décennie. Le nombre d’essais cliniques réalisés sur le médicament a été divisé par 2 en moins de 10 ans. Aujourd’hui la France ne participe plus ou est exclue de 2/3 des essais cliniques européens ; en moins de 3 ans la France est passée du 2ème au 5ème rang mondial pour la part de sa population incluse dans des essais ! Il y a urgence à réagir pour ce secteur de pointe créateur d’emplois, de santé pour tous et de richesses.
Derrière ces chiffres et au-delà des emplois directs et indirects perdus dans toute la filière Santé, se sont également la place de la recherche française, l’accès plus tardif aux innovations thérapeutiques pour les patients français, la place de la médecine française et l’indépendance sanitaire de la France qui sont en jeux. La France dispose de grands atouts et a les compétences, les médecins, les industriels et les structures qui conviennent. Peu de choses sont nécessaires pour relancer le secteur. Les entreprises françaises de la recherche clinique se veulent constructives et proposent aux pouvoirs publics des mesures simples et urgentes qui peuvent refaire de notre secteur un modèle français d’excellence.
Au moment où le gouvernement identifie les industries de santé comme un des quatre secteurs prioritaires de la compétitivité, les entreprises françaises de la recherche clinique veulent réagir, rapidement et concrètement, en réduisant nos freins et en nous appuyant sur nos atouts.
Il existe 7 mesures urgentes susceptibles de repositionner la France en tête du peloton européen.
1. Créer un guichet réglementaire unique et dématérialisé pour l’approbation des essais cliniques
En France, la complexité administrative est trop grande, ce qui entraîne des pertes de temps considérables dans l’approbation des essais cliniques. De nombreuses autorisations sont nécessaires. Un « choc de simplification » est attendu dans la recherche clinique.
Dans l’idéal il serait utile pour tous de pouvoir disposer d’un guichet réglementaire unique et dématérialisé pour déposer toutes les demandes d’essais cliniques en France. Le minimum serait de simplifier et fluidifier la démarche et d’harmoniser les documents demandés afin de garantir l’homogénéité des documents et leur mise à jour, quel que soit le CPP. De quoi réduire les délais et simplifier les démarches pour tous les acteurs de la recherche.
2. Finaliser une convention hospitalière unique et globale regroupant tous les aspects de la recherche clinique
Les délais sont trop longs pour le démarrage des essais cliniques. Ils nécessitent de nombreuses négociations, avec de nombreux acteurs différents. Les difficultés viennent du choix multiple de contrats possibles : selon les centres d’investigation, hôpitaux ou CHU, certains réclament des contrats bipartites avec les médecins, d’autres optent pour des contrats associations ou institutions, tripartites, il existe des contrats de radiologie, laboratoire etc. Le résultat final est qu’il est plus rapide, même si on est un promoteur Français, de faire son essai dans un ou plusieurs autres pays que la France.
Les entreprises de la recherche clinique préconisent la mise en place d’une convention hospitalière unique et globale regroupant tous les aspects de la recherche clinique (avec une harmonisation nationale) comprenant les honoraires des médecins investigateurs (y compris collaborateurs, plateaux techniques, infirmiers, coordinateur d’essai etc.) et intégrant de manière claire l’ensemble des surcoûts engendrés par l’essai clinique réalisé dans les établissements de santé.
3. Créer un site internet unique de référencement et d’information pour faciliter le travail des médecins Investigateurs
Les médecins sont débordés et submergés par l’aspect administratif des essais cliniques alors qu'ils ont aujourd’hui très peu de disponibilité (sous-effectif, priorité aux soins, nombreuses tâches de gestion). Un site internet unique destiné aux Médecins Investigateurs regrouperait toute la documentation administrative. Il serait alimenté et mise à jour automatiquement par les administrations, ainsi que par les médecins eux-mêmes sur sollicitation automatique et adaptée (semestrielle par exemple). Les médecins n’auraient ainsi pas besoin de remplir x fois les mêmes informations s’ils participent à plusieurs études.
4. Valoriser la recherche Clinique auprès des médecins et des patients
La recherche clinique n’a pas toujours dans l’opinion une image positive alors qu’elle contribue à sauver des vies et à faire progresser la médecine.Une recherche clinique de haut niveau – à la fois qualitatif et quantitatif – passe par l’adhésion de tous, des médecins et des patients. L’image qui est parfois renvoyée est donnée est souvent fragmentaire et parfois déformée, renvoyant trop souvent à certaines pratiques qui n’ont pas cours en France ni en Europe. La recherche clinique a besoin de trouver des médecins pour conduire des investigations de qualité en toute sécurité et des patients pour avoir des volontaires qui donnent leur consentement éclairé pour participer à la recherche et accéder à de nouveaux traitements.
Une méthode de communication efficace vers les personnes concernées par la recherche et le grand public est nécessaire pour faire connaître les enjeux de la recherche clinique et épidémiologique (RCE), en expliquer de manière claire l’intérêt pour les patients comme pour tous à y participer et les bénéfices que tous en tirent (nouveaux médicaments, vies sauvées, etc, …).
5. Créer un Tiers à la Recherche Clinique (sur le modèle du Commissaire aux Comptes)
On déplore une perte de confiance du grand public à la fois dans les produits de santé et dans les résultats des recherches cliniques. Le manque de transparence du secteur, certains conflits d’intérêts avec les experts et avec les autorités de santé sont autant de questions posées à la communauté scientifique et de doutes dans l’esprit des citoyens qui sont régulièrement repris à la une des médias.
L’idée est d’instaurer un « Tiers » professionnel, facteur de confiance dans toutes les recherches cliniques et épidémiologiques, et de se prémunir ainsi des risques parfois liés au face à face médecin / laboratoire. La parallèle avec le Commissaire aux Comptes montre la pertinence et la viabilité de cette démarche qualité. De quoi créer un regain de confiance et même un leadership français.
6. Imposer une relocalisation européenne partielle de la Recherche Clinique et Epidémiologique
De plus en plus d’essais cliniques se font en dehors de l’UE, même pour des médicaments issus de la recherche européenne et destinés aux marchés européens. Les études cliniques comptent de plus en plus importante de patients extérieurs à la Communauté Européenne (62 % pour la période 2005-2011) et cette tendance est en train de s’accentuer. Pour des raisons de coûts et de rapidité de développement, les études sont conduites sur des populations dont le profil est de plus en plus éloigné des populations Européennes et dans certains cas avec des pratiques déontologiques qui peuvent se révéler douteuses. A terme, c'est une menace pour la survie d'une recherche clinique indépendance européenne.
Il est temps d'imposer aux agences d’enregistrement, en France, et au niveau européen (notamment l’EMA) d’exiger des données cliniques et épidémiologiques d’origine Européenne pour
au moins la moitié de l’échantillon. Il est logique que dans le cadre d’un enregistrement régional la majorité des patients viennent de la région considérée.
7. Unifier le taux du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) : à même recherche, même CIR !
Une recherche clinique bénéficie d’un CIR de 60%, quand elle est faite par des acteurs publics alors que cette même recherche, réalisée par des acteurs privés, voit son CIR limité à 30%, introduisant de fait une distorsion de concurrence.
Le CIR est une réduction d’impôt calculée selon les dépenses en R&D d’une entreprise. Son efficacité est reconnue par tous les acteurs pour soutenir et booster la recherche en France et son utilité n’est remise en question par personne. La recherche clinique rentre à plein dans le cadre de ce dispositif.
De plus, du fait depuis quelques années de la réduction des budgets de la recherche publique et hospitalière, il existe une forte incitation pour les unités publiques à réaliser des prestations de services afin de compléter leurs budgets. Parce qu’il leur est particulièrement difficile de calculer le coût complet d’un tel service et que les organismes publics n’intègrent pas autant d'éléments qu'une entreprise (notamment les locaux, les salaires, certains équipements de services voisins, etc, ..), le prix est souvent sous-estimé, parfois même largement. Ce qui, avec le taux du CIR doublé, introduit une double distorsion de concurrence au détriment des entreprises de recherche privées.
Dans l’idéal, il faudrait aligner le taux de CIR des PME de recherche privée sur celui du public (60%). Mais une solution plus facile à mettre en œuvre serait un CIR à 40 % pour tous.