Vers une révision des directives européennes sur le tabac ?

Attendue depuis des années par les gouvernements européens et les associations de lutte anti-tabac, la révision de la directive européenne sur la taxation du tabac pourrait bientôt être d’actualité. La pression exercée par les États membres de l’Union européenne sur la présidence de la Commission semble donc avoir porté ses fruits, et ce alors qu’Ursula von der Leyen est parfois suspectée de vouloir protéger les intérêts des cigarettiers.

Contre la fumée de cigarette, une fumée blanche serait-elle enfin apparue sur le toit de la Commission européenne ? D’après la presse spécialisée, l’exécutif européen serait sur le point d’ouvrir une procédure afin de réviser, enfin, la directive sur la fiscalité du tabac (DTT). Plusieurs sources bruxelloises auraient confirmé cette rumeur auprès du site d’informations Euractiv. Par ailleurs, le commissaire européen en charge des affaires fiscales, Wopke Hoekstra, aurait rencontré les experts de la direction générale fiscalité et union douanière (DG TAXUD) le 11 juin dernier, afin de valider une ébauche de directive révisée.

Changement de pied

Si ces informations venaient à être vérifiées, il s’agirait d’un changement de pied majeur au sommet de l’Union européenne (UE). Inchangée depuis 2011, la DTT fait depuis quelques mois l’objet d’un âpre combat entre, d’un côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui bloquait jusqu’à présent toute révision et n’avait pas inscrit ce texte à l’agenda de la Commission pour 2025 ; et, de l’autre, une quinzaine d’États membres de l’UE – dont la France – qui pressent Ursula von der Leyen de mettre à jour un texte devenu depuis longtemps obsolète.

Le 26 mai dernier, quinze ministres européens de l’Économie et des finances écrivaient ainsi une lettre commune à la présidente de la Commission, lui demandant de « prendre sans délai les mesures nécessaires pour mettre à jour » la DTT. Revendiquant un « accord presque unanime » au sein du Conseil, les ministres faisaient part dans ce courrier de « l’urgente nécessité » de réviser la directive. En effet les taux d’accises, décidés il y a presque quinze ans, n’ont pas depuis été indexés sur l’inflation. Surtout, de nombreux produits nicotiniques (vapoteuses, sachets de nicotine) ont été « inventés » et commercialisés entre temps, qui nécessitent de revoir de fond en comble la taxation des produits du tabac.

La révision de la DTT ouvre la voie à celle de la TPD

Ursula von der Leyen semble donc avoir cédé à l’intense pression des États membres. En poste depuis 2019, la présidente de la Commission bloquait, contrairement à ce à quoi elle s’était engagée, toute tentative de révision de la DTT depuis plusieurs années. Une attitude qui n’était pas sans soulever de récurrentes questions quant aux liens supposés entre l’exécutif européen et l’industrie du tabac, alors que cette dernière déploie un lobbying agressif à Bruxelles, où elle dispose de plusieurs centaines de lobbyistes dédiés à la défense de ses intérêts.

Si les bruits de couloir qui parviennent de Bruxelles se confirmaient, la révision tant attendue de la DTT pourrait ouvrir la voie à celle, tout aussi stratégique, de la directive sur les produits du tabac (TPD). Là encore, il s’agirait pour l’UE d’inclure dans sa législation les nouveaux produits du tabac (comme le tabac chauffé ou les cigarettes électroniques), qui ont été introduits sur le marché après l’adoption initiale des deux directives et de corriger le système de traçabilité tant décrié pour le rendre indépendant des fabricants de tabac. Des produits qui font fureur chez les jeunes, auprès desquels ils représentent de véritables portes d’entrée vers la cigarette et l’addiction à la nicotine. La révision de la TPD pourrait être lancée à partir de juillet 2026, sous la présidence européenne de l’Irlande, qui a « une tradition de leadership fort en matière de lutte antitabac », selon l’ONG Génération Sans Tabac. D’ici là, la Directive Taxe aura été entièrement revue. Après des années de passivité, l’Europe pourrait donc, enfin, se redonner les moyens de lutter contre le fléau du tabagisme.