Une nuit blanche pour rien. Jeudi soir, les représentants de plus de 170 pays n’ont pas pu s’accorder sur le traité contre le plastique. Les États pétroliers et leurs alliés ont refusé de bouger leurs lignes rouges, tandis que les autres ne voulaient pas d’un texte au rabais. Parmi ces derniers, certains souhaitent de nouvelles négociations, alors que d’autres appellent au vote pour imposer la voix de la majorité.
C’est encore raté. Après dix jours d’intenses négociations, les représentants de plus de 170 pays réunis à Genève, en Suisse, n’ont pas réussi à s’accorder sur un traité international visant à réduire drastiquement la production de plastique, à défaut d’y mettre fin tout bonnement. « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève », a annoncé vendredi le représentant de la Norvège, co-président du groupe de pays qui défendait un traité « ambitieux ». Ces négociations avaient déjà échoué en décembre 2024 à Busan, en Corée du Sud, sous la pression des représentants des industries pétrochimiques qui arpentaient les couloirs.
Les États-Unis et l’Arabie Saoudite, tête de pont de la coalition des défenseurs du plastique
Cette année encore les lobbies du pétrole étaient très nombreux à Genève, davantage que les ONG environnementales. Avec les pays pétroliers et leurs alliés (Arabie Saoudite, Irak, Iran, Koweït, Russie, États-Unis, etc.), ils constituaient le groupe des « pays partageant les mêmes idées » (« like-minded countries »). Ces États sont arrivés à Genève avec de nombreuses lignes rouges bien établies. Ils ont rejeté catégoriquement l’article 6, qui induit une réduction drastique du plastique. Les États-Unis et l’Arabie Saoudite, tête de pont de cette coalition, ont envoyé des circulaires pour appeler à s’opposer à cet article. La Russie en a fait de même, tandis que la Chine, plus grand producteur de plastique au monde, est restée relativement discrète tout au long de ces négociations, après avoir rejoint le groupe des pétroliers au début des discussions.
Producteurs de pétrole et de plastique non satisfaits du texte de compromis
Le président du comité des négociations (CNI5-2), l’Equatorien Luis Vayas Valdivieso, avait pourtant présenté jeudi deux versions différentes d’une proposition de compromis pour contenter ces producteurs de pétrole. Mais ces modifications ne satisfont pas les États visés. Pour ces derniers, puisque le plastique est produit à base de pétrole et que la lutte contre le changement climatique en limite les débouchés, il faut miser sur la pétrochimie et le recyclage. Ils pensent que cette mesure permettrait de continuer de tirer profit de l’or noir, pour l’instant abondante chez eux. Ces pays ont donc mené une guerre intense pour obtenir le changement du « scope » ou une modification de la portée de la négociation et du texte du traité, fixée en 2022 lors de l’assemblée générale Environnement des Nations unies.
L’Union européenne fait partie du camp des « ambitieux »
En face des pays pétroliers, il y avait le groupe des pays dits de « la coalition de haute ambition », dont font partie l’Union européenne, le Canada, l’Australie, les territoires insulaires et de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique. Ceux-là veulent réduire la production mondiale de plastique et contrôler les molécules les plus préoccupantes pour la santé. Malheureusement pour eux, il n’y a pas eu de consensus. Le négociateur en chef du Panama, Juan Carlos Monterrey-Gomez, a pointé du doigt la responsabilité des quelque 234 lobbyistes des secteurs pétroliers dans l’échec des négociations à Genève.
Agnès Pannier-Runacher très déçue de l’échec des négociations sur le plastique
Selon Juan Carlos Monterrey-Gomez, « ces lobbies ont infiltré ces négociations pour sauvegarder leurs intérêts et leurs profits au détriment de tous les autres ». Au nom de la France, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, s’est dite « déçue » et « en colère » après l’échec des discussions pour un traité contre la pollution plastique à Genève. Elle déplore qu’« une poignée de pays, guidés par des intérêts financiers de court terme et non par la santé de leurs populations et la durabilité de leur économie, [aient] bloqué l’adoption d’un traité ambitieux contre la pollution plastique ».
Les territoires insulaires très inquiets de leur avenir
Pour les représentants des îles du Pacifique, dont celui de l’archipel de Tuvalu, cet échec des négociations est une mauvaise nouvelle. Sans un accord sur le traité international contre le plastique, avertissent-ils, des millions de tonnes de déchets plastique vont continuer à être jetés dans les océans, affectant les écosystèmes, la sécurité alimentaire, la vie et les cultures sur ces territoires. Il faut noter que les déchets plastiques sont tellement nombreux dans les océans qu’on parle de septième continent. De leur côté, les ONG ont critiqué les industries pétrolières et chimiques pour avoir sacrifié la planète et ses habitants au profit de leurs intérêts à court terme.
Imposer un traité contre le plastique entre pays favorables ?
Vayas Valdivieso, qui présidait déjà les discussions de Busan, a assuré que cette session de négociations n’est « pas close ». Il a annoncé que « le secrétariat va travailler pour trouver une date et un endroit, où CNI5-3 aura lieu ». Comme lui, plusieurs représentants de pays « ambitieux » appellent à l’organisation d’un autre round de discussions. Certains en ont marre de perdre leur temps. Ils souhaitent que l’ONU changent les règles : rechercher désormais la majorité au lieu d’un consensus. D’autres préconisent même d’adopter un texte contraignant pour l’imposer aux pays favorables à une réduction du plastique.