Une équipe de l’Institut de la Vision à Paris vient de franchir une étape prometteuse dans le développement d’une thérapie génique pour le traitement de certaines formes de cécité. Elle a réussi à corriger les mutations responsables de la maladie dans les cellules de la rétine. Cette prouesse ouvre la voie à un traitement plus sûr et efficace.
La cécité est un trouble de la vision qui touche des millions de personnes dans le monde. Elle est très handicapante pour ceux et celles qui en souffrent car elle empêche de s’orienter et d’admirer la beauté de notre monde. Certaines formes de la maladie sont d’origine génétique. Elles induisent des mutations conduisant à la dégénérescence progressive des photorécepteurs dans la rétine.
La thérapie génique, comme solution ultime
Pour traiter ces maladies rétiniennes héréditaires, responsables de handicaps visuels souvent lourds, le monde médical et scientifique envisage depuis peu la thérapie génique. Cette nouvelle approche permet de supprimer la mutation pathogène dans le génome même des cellules rétiniennes. Depuis l’explosion des virus adéno-associés (Adeno Associated Virus, AAV), il y a 15 ans, elle a connu des avancées majeures permettant d’injecter directement dans l’œil une copie saine du gène défectueux.
La thérapie génique élimine et ajoute des fractions de matériel génétique avec une extrême précision
L’avancée scientifique majeure apportée par la thérapie génique à ce jour est la technologie révolutionnaire CRISPR-Cas9, aussi surnommée « ciseau moléculaire ». Celle-ci permet non seulement d’éliminer, mais aussi d’ajouter des fractions de matériel génétique avec une extrême précision. Dès lors, elle peut être utilisée à la fois pour neutraliser des gènes et corriger des maladies génétiques. De plus, on peut s’en servir pour créer des modèles animaux mimant des pathologies humaines.
Des essais pré-cliniques grâce aux modèles animaux
Utilisés dans un cadre éthique réglementaire très encadré en France, ces modèles animaux permettent d’étudier des maladies et de mieux en comprendre le fonctionnement. Ils peuvent aussi servir aux essais pré-cliniques de nouvelles thérapies innovantes. La technologie révolutionnaire CRISPR-Cas9 s’est appuyée sur ces modèles pour lancer son tout premier essai clinique de phase I/II aux États-Unis en 2021. Cette expérimentation a concerné des enfants et adolescents atteints d’une cécité d’origine génétique appelée amaurose congénitale de Leber 10, ou LCA10.
La technologie CRISPR-Cas9 progresse sans cesse
CRISPR-Cas9 a cependant quelques limites. La technologie nécessite l’utilisation d’un vecteur viral 3, qui peut avoir des effets secondaires durables, et notamment perturber l’organisation du génome des cellules ou provoquer une réaction immunitaire. En France, une équipe de l’Institut de la Vision à Paris dirigée par Deniz Dalkara, vient de mettre au point une technique alternative. Elle permet d’injecter directement la protéine Cas9 accompagnée d’un ARN guide dans la rétine, qui cible la séquence génétique que Cas9 va soustraire.
La thérapie génique peut déjà corriger le génome des photorécepteurs de 10 %
Les chercheurs français ont testé leur nouvelle méthode chez des modèles animaux de cécité progressive d’origine génétique. Ils sont parvenus à corriger le génome des photorécepteurs de 10 %. Pour Juliette Pulman, chercheuse à l’Institut de la Vision de Paris, c’est.« un résultat significatif, au-delà de ce qui avait été réalisé jusqu’alors ! ». Elle estime que « cela apporte la preuve que l’approche est pertinente ».
Toutefois, il faudra visiblement encore améliorer l’efficacité de cette méthode et modifier plus de cellules pour espérer enrayer la perte de vision. Selon les chercheurs, l’une des pistes est d’enrober le complexe de thérapie génique dans une couche de petites molécules ou de polymères qui faciliterait sa pénétration dans la rétine jusqu’aux photorécepteurs. Les prochains résultats sont attendus.