Le succès du streaming et son pendant « en direct », le live streaming, ne se dément pas. Le premier représente aujourd’hui 91 % du trafic Internet mondial, tandis que le second ne cesse de se développer grâce à l’intérêt des mastodontes des réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook.
En 2015, Twitter achète Periscope, jeune startup permettant à l’utilisateur de retransmettre en direct ce qu’il est en train de filmer. Le succès est phénoménal. En décembre dernier, Periscope est nommée application de l’année par Apple, un succès que ses fondateurs attribuent à l’« authenticité » et l’« interactivité » de l’appli. « Il n’y a pas de filtre, pas de montage possible, c’est simplement la vérité du moment filmé. L’utilisateur sait que ce qu’il voit a lieu à ce moment précis, que cela n’a pas été monté ni bidouillé », déclare en effet Kayvon Beykpour, co-fondateur et CEO de Periscope.
Plateformes illégales
Et c’est bien là tout le problème. De plus en plus rapides et puissants, les sites et applications de live streaming permettent de partager des éléments de la vie privée, des conversations entre individus ou des tutos diffusés pour la multitude sans qu’aucun filtre ne puisse être mis en place. Autrement dit : c’est la porte ouverte à toute sorte d’abus et dérives.
En 2008, un jeune homme de 19 ans se suicidait par overdose médicamenteuse devant plus de 1 500 spectateurs grâce à Justin.tv, plateforme de livre streaming aujourd’hui fermée. En février 2016, c’est une jeune fille de 18 ans, Lonina, qui décide de diffuser sur Periscope le viol d’une de ses amies par un homme de 29 ans qu’elles avaient rencontré ensemble dans un centre commercial. Le 13 juin dernier, le terroriste Larossi Abballa se filme en direct du domicile des deux policiers qu’il vient de tuer à Magnanville (Yvelines) en présence de leur fils de trois ans. Sur Facebook Live, l’application de live streaming du célèbre réseau social, il débat avec les internautes du sort qu’il doit réserver à l’enfant…
Si le live streaming n’est pas toujours utilisé à des fins aussi macabres, il se prête particulièrement aux pratiques dangereuses. La gratuité, qui a permis à ces sites de se démocratiser, est aussi la cause principale de l’émergence des pirates et de tout un réseau de plateformes illégales dont le succès est encore plus important que celui des plateformes légales. Selon Médiamétrie, sur les 35 millions de Français qui regardent régulièrement des vidéos sur Internet, 13,5 millions le font en passant par des plateformes illégales.
Contenu pornographique
Et les dangers y sont nombreux. Selon une étude de l’Association of Internet Security Professionals (AISP), 97 % des sites de streaming illégaux sont infectés par des logiciels malveillants dont le but est de voler les données privées des internautes (identifiants, informations bancaires ou autres données sécurisées). Ces sites sont également utilisés par des industriels souhaitant échapper à la législation en matière de publicité. L’internaute se retrouve ainsi submergé sous une avalanche d’agressives fenêtres pop-up renvoyant notamment vers des sites pornographiques.
Or, attirés par les grands événements sportifs, les films ou les séries télé, les mineurs sont particulièrement présents sur ces plateformes. Et selon un sondage Opinion Way de décembre dernier, commandé par l’association Ennocence – qui lutte justement contre la pornographie en ligne –, 66 % des parents interrogés affirment que leurs enfants ont déjà parlé d’images à caractère pornographique qu’ils ont découvertes involontairement sur un site de streaming ou de téléchargement illégal. Parmi les parents sondés, 70 % estiment que ces sites représentent un danger pour leurs enfants et 77 % craignent les conséquences de telles images sur l’équilibre psychologique des plus jeunes.
Leurs craintes ne sont pas infondées. L’exposition précoce à des contenus choquants peut avoir des conséquences graves sur les enfants, telles qu’une dépression, l’échec scolaire, un complexe d’infériorité et même des tentatives de suicide. On comprend que les parents et les responsables politiques soient de plus en plus inquiets alors que l’offre légale et illégale de livre streaming ne cesse de se développer et que l’âge moyen auquel un enfant s’expose pour la première fois à du contenu pornographique en ligne continue de baisser (elle est actuellement de 11 ans). Comme le rappelle l’association Ennocence, il est urgent d’agir afin de faire du Web un endroit réellement sécurisé pour les enfants.
Article proposé par Noémie Furet, étudiante en droit public, spécialisée dans le droit des espaces numériques