Les 13 et 14 novembre derniers était organisé au Qatar le Sommet Mondial de l’Innovation pour la Santé. Un évènement qui s’inscrit dans une stratégie de longue date du petit émirat, qui tente de se poser en leader mondial de la santé, qu’il s’agisse des soins ou de la recherche.
Doha, hôte du Sommet Mondial de l’Innovation pour la Santé
Plus de 2000 experts de la santé et dignitaires issus de 100 pays se sont réunis à Doha, la capitale du Qatar, à l’occasion du Sommet mondial de l’innovation pour la santé (WISH). Cet évènement annuel émanant de la Fondation du Qatar – une organisation privée sans but lucratif créée par l’Émir Al Thani, père de l’actuel Émir du Qatar – est un forum dédié à l’innovation médicale dans des domaines tels que les maladies virales, la santé mentale ou la réforme des systèmes de santé mondiaux.
Parmi les orateurs qui ont pris la parole à Doha figuraient plusieurs personnalités de premier plan telles que le nageur américain médaillé d’or Michael Phelps (qui a abordé les problématiques de santé mentale); la princesse Muna al-Hussein, mère du roi Abdullah II de Jordanie; Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande; ou encore David Miliband, secrétaire d’État des affaires étrangères britanniques entre 2007 et 2010 et actuel président l’International Rescue Committee. Ce dernier s’est exprimé au sujet de la malnutrition infantile, et sur ses entraves irréversibles au développement cognitif et physique à long terme.
De nombreux autres sujets d’importances ont été abordés lors de ces deux journées: un plan d’éradication d’ici 2030 des hépatites B et C (qui touchent encore des centaines de millions de personnes chaque année); la détection de médicaments contrefaits grâce à un spectromètre de poche présenté par Global Good (une organisation sœur de la Fondation Bill Gates); ou encore un remodelage des systèmes de santé plus axés sur l’humain, via une redéfinition de la relation entre les praticiens de santé et les patients, ces derniers devant acquérir un rôle plus actif de « cogérant » de leurs soins grâce à une meilleure information.
Une politique volontariste qui commence à porter ses fruits
Ce sommet a également permis de mettre en avant les réalisations du Qatar dans le domaine de la santé telles que la Q-Chip, une puce à ADN crée par le Qatar Genome Programme et la Qatar Biobank. Tout ceci est l’aboutissement d’une politique d’investissements importants dans le domaine de la recherche et de l’innovation médicale menés depuis plusieurs années par l’émirat de 2,3 millions d’habitants.
Dans cette logique a été inauguré en grande pompe le 12 novembre dernier l’immense et ultramoderne centre de soins et de recherche Sidra. Un centre dédié aux femmes et aux enfants qui est à la mesure des ambitions qataries: 50 cliniques et services, plus de 2.350 professionnels de santé provenant du monde entier, et 400 lits pour 400 chambres individuelles.
L’objectif de Sidra et de devenir le meilleur centre pédiatrique de la région, où pourront être exécutées les interventions chirurgicales très complexes telles que la séparation in utero de jumeaux reliés par l’abdomen ou encore les reconstructions plastiques sur des enfants atteints de tumeurs à la tête, au cou ou à la gorge.
Prenant en charge les maladies et malformations cardiaques (qui touchent 1% des nouveau-nés), le français Olivier Ghez – qui dirige l’unité de cardiologie depuis son ouverture en juillet 2017 – y a réalisé avec succès une intervention chirurgicale à cœur ouvert sur un patient de 3 ans. Le centre Sidra souhaite par ailleurs lancer son programme de transplantations cardiaques sur les enfants d’ici la fin de l’année.
Ce hub de santé flambant neuf pour toute la région du Golfe est également doté d’un pôle de recherches bénéficiant lui aussi des équipements les plus récents. Il est focalisé sur les maladies spécifiques à cette zone géographique, ainsi que sur les nouvelles maladies et leurs mutations.
De façon plus discrète, l’Université du Qatar vient quant à elle de conclure le septième cycle de son programme éducatif “Qatar Scientists in Biological Diversity », réalisé en collaboration avec divers partenaires commerciaux nationaux. Ce projet s’intègre dans le plan de développement « Qatar National Vision 2030 » et vise à attirer les jeunes Qataris et Qataries dans le domaine de la recherche scientifique et de la santé afin de fournir des cadres hautement qualifiés à l’émirat. Le programme a vu la participation de 182 étudiants cette année (un nombre en augmentation de 30% par an) et un total de 474 étudiants depuis sa création en 2013. La doyenne fondatrice de la Faculté des sciences de la santé de l’Université du Qatar, le Docteur Asma al-Thani, a évoqué le déploiement de différents programmes – y compris à l’international – portant par exemple sur les réfugiés ou le soutien au secteur scientifique dans les pays en voie de développement.
Une manière pour le petit émirat de rajouter une corde à son arc : très présent dans le soft power du sport et des médias, Doha cherche à devenir un pays incontournable au Moyen-Orient dans le domaine de la santé. En devenant progressivement une référence dans le domaine, le petit pays acquiert un nouvel outil d’influence diplomatique : aide médicales à certaines populations, partage de savoirs-faire, accueil et soins apportés aux élites du Golfe… Autant de manière de devenir incontournable, voire indispensable. La santé au service de la diplomatie !