La Cour de cassation confirme sa jurisprudence sur la faute inexcusable de l’employeur. Dans un récent arrêt, l’institution rappelle que la prise en charge d’une rechute par la CPAM ne fait pas courir de nouveau le délai de prescription de deux ans permettant d’intenter une action en reconnaissance de cette faute. Elle s’exprimait sur le cas d’un salarié qui s’était fait diagnostiquer un épaississement pleural en 2004 puis un mésothéliome 13 ans plus tard, maladie qui a entrainé son décès rapide.
La Cour de cassation a publié récemment au Bulletin son rapport annuel sur les suggestions en matière de santé-sécurité au travail. Dans ce document, l’institution confirme sa jurisprudence relative au délai de prescription concernant la faute inexcusable et l’absence d’incidence de la prise en charge d’une rechute. Cette décision confirme que la prise en charge d’une rechute par la CPAM ne fait pas courir de nouveau le délai de prescription de deux ans permettant d’intenter une action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur.
De la définition initiale de la faute inexcusable de l’employeur
Mais qu’est de que la faute inexcusable de l’employeur ? Dans un arrêt du 28 févier 2002 portant sur les maladies professionnelles dues à l’amiante, la Cour de cassation définit la faute inexcusable comme le manquement d’un employeur de l’obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par un salarié et liées à l’utilisation ou la fabrication de produits chimiques par l’entreprise. En vertu de l’article L. 452‐1 du Code de la sécurité sociale, l’employeur doit avoir conscience du danger auquel est exposé le travailleur et prendre les mesures nécessaires pour l’en préserver.
La définition étendue à deux reprises
La Cour de cassation a ensuite élargi la définition de la faute inexcusable aux accidents du travail, en gardant ses deux points clés. À savoir la conscience par l’employeur du danger et la carence à prendre les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger. En 2020, la notion a été à nouveau étendue par deux arrêts.
Ces deux textes se réfèrent au manquement à l’obligation légale de sécurité de l’employeur, et non plus à son obligation contractuelle de sécurité de résultat. Dans ce cadre, une faute inexcusable peut désigner le fait de ne pas dispenser au salarié les consignes de sécurité nécessaires concernant le fonctionnement d’une machine ou de ne pas avoir mis à disposition un équipement de protection.
Le délai de prescription prévu par le Code de la Sécurité sociale est de deux ans
Un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut engager une procédure de reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de son employeur afin de bénéficier d’une indemnisation plus favorable. Mais le délai de prescription prévu par le Code de la Sécurité sociale est de deux ans, en partant du point de départ le plus tardif afin de limiter les effets stricts de ce délai. L’évènement le plus récent peut être le jour de l’accident ; le jour de l’engagement d’une procédure pénale ; ou la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
La Cour de cassation devait se prononcer sur un cas de rechute d’un salarié
Pour sa dernière décision, la Cour de cassation devait se prononcer sur un cas de rechute. L’institution définit la rechute comme un évènement nouveau, qui peut être une aggravation de la lésion initiale ou l’apparition d’une nouvelle lésion résultant directement de la maladie professionnelle originelle. La rechute peut intervenir plusieurs années après la reconnaissance de la maladie professionnelle ou après la cessation du paiement de l’indemnité journalière par la CPAM. Ce sont les deux points de départ les plus fréquents en matière de reconnaissance de faute inexcusable.
Cet homme s’est fait diagnostiquer une nouvelle maladie treize ans après la première pathologie
La Cour de cassation avait été saisie par un salarié victime de l’amiante et dont la maladie professionnelle avait été reconnue en 2004. Cet homme s’était fait diagnostiquer un épaississement pleural. Treize ans plus tard, en 2017, on lui diagnostique également un mésothéliome, maladie qui a entrainé son décès rapide. Après sa mort, ses ayants droits ont demandé que la rechute permette d’ouvrir un nouveau délai de deux ans pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en raison de l’aggravation de sa pathologie.
Initialement, le salarié n’a pas jugé nécessaire d’intenter une action en reconnaissance de faute inexcusable
Après son diagnostic en 2004, le salarié n’a pas jugé nécessaire d’intenter cette action. Il estimait que les séquelles n’étaient pas particulièrement importantes. Mais il a changé d’avis après avoir constaté une aggravation très importante de sa maladie. Son décès subite ne lui a pas permis d’engager la procédure lui-même.
Dans sa décision publiée au Bulletin, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle la prise en charge d’une rechute par la CPAM ne fait pas courir de nouveau le délai de prescription de deux ans permettant d’intenter une action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur. Elle confirme que le Code de la Sécurité sociale prévoit une prescription de deux ans en cas de reconnaissance de maladie professionnelle.
Engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la gravité des lésions
La Cour de cassation rappelle que le salarié, qui se savait victime d’une maladie professionnelle, pouvait solliciter la reconnaissance de la maladie professionnelle de son employeur. L’instance explique d’ailleurs que la rechute n’est pas considérée comme une nouvelle maladie, mais la seule aggravation de la maladie initiale. Un nouveau délai ne doit donc pas s’ouvrir dans ce cas.
Il s’agit d’une application stricte des textes au détriment des salariés victimes. La Cour plaide le besoin d’une sécurisation des cas permettant d’éviter des contentieux trop tardifs. Dès lors, les salariés doivent désormais engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, dès le diagnostic et indépendamment de la gravité des lésions. Cette précaution vaut particulièrement dans les cas de maladie professionnelle liée à l’amiante, où le plus souvent la pathologie s’aggrave de manière très importante plusieurs années après.