Le DSM 5 doit bientôt paraître. Cette nouvelle édition de la bible de la psychologie mondiale est sujette à controverse, accusant ses auteurs de transformer en pathologies des comportements humains normaux.
L'Association américaine de psychiatrie (APA) et son DSM 5 créent la polémique. L'ouvrage, considéré par le milieu comme une véritable Bible de la psychiatrie, recense plus de 350 maladies mentales sur 947 pages. Le "Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders" (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, DSM), dont la précédente version remonte à 1994, plutôt que de chercher à délimiter des maladies, semble préférer les étendre.
Le DSM a pour but de classifier les troubles mentaux, désigne leurs symptômes, détermine les comportements pathologiques. Ainsi, il montre la direction à prendre aux compagnies d'assurance afin d'effectuer les remboursements, et désigne les élèves devant bénéficier de suivis particuliers à l'école.
La psychiatrie déshumanisée
Grâce au DSM, on peut considérer que 50 % des Américains souffrent de troubles mentaux. En Europe, ce serait 38% des habitants qui auraient un désordre mental. Avec cette nouvelle édition, les chiffres pourraient exploser. Même si le président de l'APA affirme le contraire.
En deuil depuis plus de deux semaines ? Vous souffrez d'un trouble mental. Adolescent, vous percez vos boutons ? Vous êtes fiché. Vous avez un péché mignon et vous ne pouvez pas vous en passer une semaine ? Vous subissez un trouble du comportement alimentaire. Voilà, entre autres, les nouvelles pathologies.
Comportements humains normaux ou maladies ? La frontière est devenue imperceptible aux yeux des 1,500 experts qui ont travaillé à la rédaction du DSM 5 depuis 1999. Certes, le but premier est louable : intégrer les avancées issues de la recherche génétique ou des neurosciences pour parvenir à des diagnostics plus solides et unifiés à travers le globe. Mais le DSM ne tomberait-il pas dans la déshumanisation ?
Une étiquette pour la vie
Sachant à quel point les maladies mentales sont stigmatisantes dans notre société, l'augmentation du nombre des troubles mentaux peut avoir de nombreuses conséquences. Un diagnostic de maladie mentale dans un dossier médical peut engendrer des complications pour accéder à une police d'assurance ou à des emplois nécessitant une habilitation de sécurité particulière. Il modifie la manière dont on se voit soi-même.
Sans oublier l'industrie pharmaceutique. Le DSM-5 ne recommande pas de traitements. « C’est juste un outil de diagnostic qui n’empêche pas le médecin de garder son libre arbitre et de ne pas prescrire un médicament s’il estime que cela n’est pas justifié. », expliquent les défenseurs du DSM 5. Mais à l'heure où la formation des psychiatres en France repose à 85 % sur le saint DSM, il ne serait pas étonnant de voir une augmentation de la vente des carnets d'ordonnances.
L'exemple de la précédente édition du DSM est assez évocatrice du problème. Depuis sa publication en 1994, le marché des médicaments contre les troubles de l’attention est passé de 15 millions de dollars (11,5 millions d’euros) à 7 milliards aujourd’hui (5,5 milliards d’euros).
Le diagnostic chez les jeunes patients fait partie des inquiétudes des « anti ». Le nouveau DSM fait naître la peur de nombreux diagnostics rapides et bâclés sur des personnalités encore fragiles qui collectionnent déjà les étiquettes à s'entre-coller sur le front.
Un outil faussé
Alors, à quel moment est-ce que une tristesse passagère devient une dépression majeure ? Quand est-ce qu'une faiblesse devient un désordre mental ? Sans autres outils à leur disposition que des critères ordinaires et objectifs, difficile de le dire. De nombreuses personnes se retrouvent alors badgées comme victimes de troubles mentaux alors qu'elles n'en ont pas.
Le DSM, selon ses détracteurs, devient alors un outil faussé visant à transformer un concept en réalité, à réunir sous le label "maladie mentale" des comportements qui ne seraient que des réactions et des sentiments normaux de l'existence humaine.