Le 10 juillet restera dans les annales comme la date d’ouverture du premier procès intenté contre le glyphosate, l’herbicide commercialisé par la multinationale Monsanto. Un juge fédéral américain a en effet permis que la plainte d’un jardinier soit portée en justice, considérant qu’il existe suffisamment d’éléments pour qu’un jury puisse entendre l’affaire.

Dewayne Johnson
Atteint d’un cancer en phase terminale, l’homme qui poursuit la firme agrochimique, rachetée depuis par le groupe allemand Bayer, n’a plus rien à perdre. Diagnostiqué d’un lymphome non hodgkinien incurable en 2014, Dewayne Johnson accuse le célèbre herbicide d’être responsable de sa maladie.
Pendant deux ans, de 2012 à 2014, cet Américain de 46 ans, jardinier de la ville de Benicia, en Californie, a vaporisé plusieurs centaines de litres de RangerPro, la version professionnelle plus puissante du Roudup, sur des terrains scolaires afin d’en éradiquer les mauvaises herbes. Il affirme par ailleurs avoir été aspergé par le produit à deux reprises, à cause de dysfonctionnements des vaporisateurs. Dans sa plainte, Dewayne Johnson accuse surtout Monsanto de dissimuler aux utilisateurs la nocivité de son herbicide. S’il avait été informé d’éventuels risques sanitaires autour du RoundUp ou du RangerPro, Dewayne Johnson ne les aurait « jamais utilisés », a-t-il expliqué devant le tribunal de San Francisco.
Glyphosate : ne pas confondre corrélations et causalités
Les avocats du plaignant espèrent obtenir des millions de dollars de dommages et intérêts en dirigeant précisément l’accusation sur ce point. Une condamnation qui ouvrirait la voie pour les milliers de procédures en justice lancées contre Monsanto aux États-Unis. Mais la tâche est ardue, car l’incidence des produits au glyphosate de Monsanto sur le cancer de Dewayne Johnson n’a jamais pu être établie scientifiquement, ce que le malade reconnaît d’ailleurs lui-même. Si les problèmes de santé de Dewayne Johnson sont apparus après avoir été exposé à la molécule, il n’a pas été prouvé que celle-ci est responsable directement ou indirectement de son cancer : corrélation n’est pas causalité.
D’ailleurs, les avocats de Monsanto ont également relevé que dans le cas du jardinier de Benicia, les délais entre l’exposition au produit et le développement de sa maladie sont trop serrés pour que le Roundup puisse être incriminé.
Herbicide le plus utilisé au monde, choisi par les cultivateurs pour son efficacité, le glyphosate est l’objet d’une controverse médiatique mondiale depuis que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), rattaché à l’OMS, l’a classé « cancérigène probable » en mars 2015. Amplifié par l’écho médiatique, le sujet est rapidement devenu viral. Pour autant, une étude parue en mai 2016 et réalisée en commun par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a jugé au contraire « peu probable » que le glyphosate soit cancérogène. Une prudence partagée par la quasi-totalité des agences de sécurité sanitaire. À leur tour, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont récemment estimé que le pesticide n’est pas cancérogène. De fait, l’impact du glyphosate sur la santé est suivi depuis sa commercialisation, notamment dans une gigantesque étude épidémiologique menée par l’Agricultural Health Study (AHS) qui n’a mesuré aucun risque cancérogène statistiquement signifiant chez des agriculteurs utilisant la substance dans des proportions conformes aux recommandations. Ainsi, Bruxelles vient de renouveler la licence de l’herbicide pour cinq ans, malgré une campagne de presse très hostile.