Le 21 avril, 40 jours après l’annonce du premier cas sur le sol ivoirien, la Côte d’Ivoire ne comptait que 916 cas confirmés, pour 303 guérisons et 13 décès. Des chiffres qui semblent faibles au regard de ceux d’autres régions du monde, mais s’inscrivent dans la tendance observée en Afrique, continent moins touché que les autres. Si l’on ignore pourquoi la pandémie y progresse lentement, rien ne permet d’affirmer que cette courbe d’évolution restera maitrisée. Pour prévenir au mieux une augmentation rapide, la Côte d’Ivoire a pris des mesures drastiques.
L’Afrique moins touchée, oui mais pourquoi ?
Le 17 avril, avec 1000 décès pour 19 334 cas de coronavirus recensés, l’Afrique restait largement épargnée, la pandémie ayant à la même date tué plus de 150 000 personnes dans le monde. Comment expliquer cette faible prévalence ? Plusieurs hypothèses sont avancées. Citée par la BBC, Matshidiso Moeti, directrice régionale du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, suggère que la faible proportion d’Africains voyageant à l’étranger ne soit pas étrangère à ces statistiques basses.
Autre hypothèse, celle d’un recensement très insuffisant des malades, faute de moyens. Si l’Afrique compterait peu de cas, ce n’est pas qu’ils n’existeraient pas, mais qu’elle manquerait de tests pour les dénombrer. Plausible ? Pas vraiment, selon le docteur Massamba Sassoun Diop, médecin urgentiste et président de SOS médecin à Dakar, pragmatique : « C’est arrivé, lors d’épidémies précédentes, que l’on ait besoin de containers car il n’y avait plus de place pour mettre les corps des défunts dans les morgues. S’il y avait vraiment un nombre très important de décès qui passeraient inaperçus, on le saurait par cet intermédiaire. »
Alors quoi ? Le docteur Massamba Sassoun Diop suggère, parmi d’autres spécialistes, que le taux élevé de personnes vaccinées contre la tuberculose puisse constituer un facteur de réduction de risque. Ainsi, des scientifiques new-yorkais ont mis en évidence un lien entre politique vaccinale nationale vis-à-vis du BCG et impact de la maladie Covid-19 en termes de mortalité : « nous avons constaté que les pays ne disposant pas de politiques universelles de vaccination par le BCG (Italie, Pays-Bas, États-Unis) ont été plus gravement touchés que les pays dotés de politiques universelles et de longue date par le BCG ».
Autre force de l’Afrique dans la lutte contre la propagation du virus, la jeunesse de sa population. 96 % de la population africaine a en effet moins de 60 ans. Si toutes ces pistes sont à l’étude, difficile d’affirmer que l’Afrique, dans les semaines et mois à venir, ne connaitra pas une augmentation exponentielle du nombre de malades, les modalités de propagation du virus restant largement inconnues. Pour prévenir une telle augmentation, nombre de pays ont mis en place des plans de lutte. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, qui se distingue par un volontarisme fort.
La Côte d’Ivoire prend les devants
Dès le 4 mars, rappelle le président ivoirien Alassane Ouattara, et alors que le premier cas de coronavirus n’était pas encore déclaré sur le sol ivoirien (il ne le sera pas avant le 11), « le Gouvernement, avec l’appui de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a mis en place un plan de réplique axé sur la surveillance épidémiologique et biologique, la prévention, la prise en charge des malades éventuels, l’information et la sensibilisation des populations sur le respect des mesures de prévention du COVID-19. »
Concrètement, ce Plan de Riposte sanitaire comprend la mise en place d’un couvre-feu ainsi que l’interdiction des voyages entre les personnes du Grand Abidjan et l’intérieur du pays, mais aussi le déblocage d’un montant de près de 96 milliards de francs CFA afin de « briser la chaîne de transmission de la maladie ». A cette première série de mesures est venue s’en ajouter une seconde, annoncée le 16 mars par Alassane Ouattara lors d’un Conseil national de sécurité extraordinaire : elle comprend la suspension de l’entrée en Côte d’Ivoire des voyageurs non ivoiriens en provenance des pays comptant plus de 100 cas confirmés de malades du coronavirus, la mise en quarantaine des cas suspects et des contacts des malades dans des centres réquisitionnés par l’Etat, la fermeture de tous les établissements d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur, la fermeture des boîtes de nuit, des cinémas et des lieux de spectacle ainsi que la gratuité totale du diagnostic et de la prise en charge de tous les cas suspects et confirmés de COVID-19.
Enfin, pour réduire l’impact de la pandémie sur l’économie ivoirienne (qui s’attend à une croissance de l’ordre de 3,6 % seulement, contre les 7,2 % initialement prévus pour 2020), le gouvernement d’Amadou Gon Coulibaly a dévoilé un plan de soutien économique, social et humanitaire de 1 700 milliards de FCFA. Il s’articule autour de trois axes, prenant en compte les entreprises, l’appui à l’économie ainsi que des mesures sociales pour les populations. La Côte d’Ivoire va ainsi différer le paiement des impôts et taxes pour les entreprises tout en débloquant un fonds de 250 milliards de francs CFA pour leur venir en aide. Une somme équivalente sera débloquée pour soutenir les principales filières de productions ivoiriennes que sont le cacao, l’anarcade et le coton. Les populations les plus vulnérables se verront, quant à elles, attribuer des aides de l’État. Un dispositif qui devrait encourager les Ivoiriens à respecter confinement et distanciation sociale et, en tout logique, contribuer à limiter la propagation du virus dans le pays.